Chaque année, les institutions Yad Mordé’haï dirigées par le rav Its’hak Kats organise, dimanche 10 mai, un rassemblement de limoud en présence du rav Pessa’h Éliyahou Falk de Gateshead. D’ordinaire, ce rassemblement est réservé aux femmes. Cette année, en raison du contexte communautaire plus tendu, il a été décidé de l’ouvrir également aux hommes. Alors que le rav Falk s’adressera aux dames, c’est le grand rabbin Yossef ‘Haïm Sitruk qui parlera aux hommes sur le thème « Quel avenir pour nos enfants ? ». Une question à laquelle le grand rabbin Sitruk a accepté de répondre dans un entretien avec Hamodia.
– Monsieur le grand rabbin, face à la résurgence de l’antisémitisme, face aux problèmes de sécurité qui touche la communauté en général et les écoles juives en particulier, comment envisagez-vous l’avenir de la jeunesse juive en France ?
– Il y a effectivement de quoi se poser cette question. Le simple fait de voir des soldats déployés autour des écoles juives de France n’est pas là pour rassurer notre jeunesse. Il ne faut pas avoir peur des mots et se demander : « Y a-t-il aujourd’hui un avenir pour une jeunesse juive en France » ? Ma réponse est positive, car je considère qu’il faut savoir dépasser les événements. Le rôle des rabbanim et des enseignants est de rassurer et d’insister sur un point : d’abord que cette situation n’a rien de nouveau. L’antisémitisme en France a toujours été latent. Nous n’avons jamais été confortablement installés. Nous avons été souvent menacés. La constance du peuple juif a été de surmonter les difficultés qui se sont dressés devant lui. Cette démarche est celle d’un Juif confiant dans son judaïsme. Ensuite, chacun est libre de choisir la voie qu’il préfère. Certains décideront de rester en France, d’autres de monter en Israël, la terre où se déroule l’Histoire de notre peuple et où son avenir est garanti. Mais il n’y a pas là de mot d’ordre à suivre. Seulement des suggestions afin que chacun puisse décider selon sa conscience.
– Outre les menaces sécuritaires et antisémites, la jeunesse juive en France est confrontée à ce que l’on pourrait appeler les enjeux technologiques de la société moderne. Lorsque l’on parle d’éducation, quelle doit être la place de technologies comme internet ou les divers réseaux sociaux, dans le système éducatif d’un jeune Juif en France ?
– Ces technologies dont vous parlez ont surtout permis aux jeunes Juifs comme aux autres de sortir de l’anonymat. En se créant une page avec une photo sur la toile, les jeunes peuvent faire parler d’eux et en ressentir une certaine fierté et même une véritable raison d’être. Je considère cela comme superficiel. Mais je pense qu’il faut armer psychologiquement notre jeunesse pour qu’elle ne cède pas aux tentations de ce que renferment ces technologies telles qu’internet et parallèlement expliquer aux jeunes que cela n’a jamais modifié en rien l’existence de notre peuple.
– Mais lorsqu’un jeune dispose d’un Smartphone qu’il « étudie » souvent avec beaucoup plus d’assiduité qu’un texte du Talmud, comment trouver la formule magique pour le ramener aux textes de notre Torah ?
– Je crois que la force du peuple juif a été d’avoir su s’adapter à toutes sortes de situations. Je pense qu’il faut là encore s’adapter à ces phénomènes plutôt que de les ignorer.
– Quels sont les grands défis de la jeunesse juive en France aujourd’hui ?
– Je pense que son grand défi est de réaffirmer son identité sans agressivité dans le dialogue et le respect. Je suis persuadé qu’il est de notre devoir d’être présents là où les jeunes se trouvent y compris sur les sites internet afin de leur transmettre le plus limpidement possible la parole de la Torah. Nous devons rassurer les jeunes, les épauler afin qu’ils continuent à avancer.