Pour l’élévation de l’âme de Rav Ovadia Yossef ZL
Apres l’extraordinaire intensité des événements du mois de Tichri, où se sont succédé des journées d’une très grande intensité, voici que nous arrivons au mois de Hechvan où il ne se passe rigoureusement rien.
Le contraste ne manque pas d’interpeller. Nos sages (le Bné Yissah’ar et le Chem michmouel) expliquent que les douze mois de l’année correspondent aux douze tribus d’Israël. Le mois de Tichri est celui d’Ephraïm et le mois de Héchvan celui de Menashé. Dans le célèbre passage de la Torah où Yossef Hatsadik conduit ses enfants (Ephraïm et Menashé) à son père Yaacov avinou afin qu’ils reçoivent la bénédiction du patriarche, Yossef prend soin de placer Menashé, l’ainé, à la droite de son père et Ephraïm à sa gauche. Curieusement, Yaacov inverse ses mains et pose sa main droite sur la tète d’Ephraïm. Yossef pense d’abord à une erreur et le signale à son père. Celui-ci lui répond : « Je sais mon fils. Je sais que celui-ci est l’ainé (en parlant de Menashé) mais Ephraïm passera d’abord. »
A la lueur de ce que nous venons d’expliquer, le débat entre Yaacov et Yossef était de savoir quel devait être le premier mois dans l’année juive. Le mois d’Ephraïm (Tichri), ou le mois de Ménashé (Hechvan) ? La différence est de taille : Ephraïm, mois de Tichri, signifie que l’année commence avec une succession d’événements alors que Héchvan symbolise le non-événement.
Lorsqu’il y a des événements, de grands rendez-vous, nous pouvons facilement exprimer notre amour pour Hachem. Dans la vie, l’amour s’exprime par des actes. Mais la crainte, la « yireha », c’est la capacité de respecter sans qu’il ne se passe rien.
Quelle notion passe en premier ? Les actes ou la crainte ?
Voici la vraie discussion entre Yaacov et Yossef… Faut-il accomplir les mitsvoth (Ephraïm – Tichri) sans avoir encore intégré la crainte d’Hachem (Ménashé – Hechvan), ou bien est-ce l’inverse qui prévaut ?
La thèse de Yossef était la plus “logique”. Comme le dit le verset des psaumes : « Sour méra vaassé tov », « Ecarte toi d’abord du mal puis fais le bien ». En théorie, c’est vrai : il faudrait d’abord corriger nos défauts avant de vivre les mitsvoth de la Torah. D’ailleurs Yaacov reconnait que son fils a raison mais il lui dit : « Si tu fais ainsi, le peuple ne suivra pas. C’est trop dur de se corriger d’abord et de s’améliorer ensuite. »
Effectivement aujourd’hui, avec quelques millénaires de recul, nous constatons combien était grande la sagesse de Yaacov avinou, lorsque l’on voit tous les juifs se précipiter dans les synagogues à l’occasion de Kippour et de Simhat torah… On ne leur demande rien, il n’y a pas de « détecteurs d’averoth » à l’entrée des synagogues : chacun entre comme il est.
Mais une fois les événements passés il faut peut-être méditer, réfléchir, procéder à une introspection plus profonde pour savoir si on a vraiment intégré la crainte d’Hachem, qui est finalement le « kéli », le contenant, dans lequel va s’épanouir notre avodath Hachem (service divin).
En souhaitant que, pour chacun d’entre nous, Hechvan soit l’occasion de ces introspections, je voudrais terminer en rappelant que selon le midrash, c’est au mois de Hechvan que sera inauguré le Beth Hamikdach Hachelichi (le troisième temple), que nous aurons – ken yehi ratson – très bientôt l’occasion de voir ensemble et de nous réjouir dans la yireha. Amen.
Chabat chalom !