Cette année la fête de Pourim suit immédiatement le chabat « zah’or », où l’on procède à la lecture de la Parasha d’Amalek, Aman étant son descendant.
Le point sur lequel j’aimerais attirer votre attention est assez réputé : le nom de D.ieu n’est pas cité une seule fois dans la meguila, même sous simple allusion.
Lorsque l’on parcourt la meguila, on se rend compte que les événements qui y sont décrits paraissent totalement explicables sur le plan humain : un roi débonnaire qui alliait cruauté et générosité, souverain d’un royaume gigantesque – la perse de l’antiquité, 127 provinces – qui offre un festin de plus de 6 mois à l’ensemble de ses sujets dans un faste et un décor sublime.
Les événements vont alors se succéder avec un déroulement extraordinairement humain. Il demande à son épouse Vachti de danser nue devant les invités, elle refuse. On lui suggère de la congédier, ce qu’il fait. On lui suggère de choisir une nouvelle épouse, ce qu’il fait. Il organise un concours de beauté et c’est Esther qu’il choisit. Vivant dans la tradition juive et de surcroit pas particulièrement belle, Esther possédait ce que l’on appelle le « Hén » (charme): elle donnait le sentiment à son interlocuteur d’être de la même ville que lui, tant son écoute et sa compréhension de l’autre était grande.
Esther va donc s’installer sur le trône de cet immense royaume. Arrive l’épisode d’Aman, propulsé par le roi au poste des pleins pouvoirs. Celui-ci va user de son influence pour obtenir du roi l’autorisation d’éliminer tous les juifs – hommes, femmes, vieillards, enfants – en un seul jour.
L’histoire bien connue de Pourim va basculer au moment du festin, très simple, où Esther convie le roi et Aman.
Je l’ai brièvement rappelé car on peut constater que toutes ces histoires pourraient être décrites dans un journal, de par son caractère donc particulièrement humain.
C’est là où j’en viens à mon enseignement : Pourim coïncide selon la tradition orale à l’époque de la fin du Tanah’. Les derniers livres des prophètes ont été écrits à ce moment là et le relai est pris immédiatement avec la loi orale.
Si l’écrit peut être consulté par tous, l’oral reste confidentiel. Un maître qui enseigne choisit son élève, un élève qui veut apprendre choisit son maitre… alors qu’un livre s’achète en libraire.
La Bible est le livre le plus lu dans le monde jusqu’à aujourd’hui – les statistiques de la fin du 20iem siècle parlaient de 20 millions d’exemplaires vendus par an, traduits dans toutes les langues du monde. Elles font également état de 1285 religions et sectes issues de la Torah.
Où ces croyances ont-elles découvert ce message ? Dans le texte écrit. Il n’a donc rien de confidentiel, il appartient « au domaine public ». Mais quel succès ! Quel est l’auteur qui peut se targuer de vendre 20 millions d’exemplaires de son ouvrage, 3300 ans après l’avoir publié ? C’est le cas de Hachem. La Torah fascine donc toujours autant les hommes.
Et pourtant… Qu’est ce qui fait que le peuple d’Israël soit le peuple « élu » ? Non pas la Bible, sa loi écrite, mais sa loi orale. Cette tradition transmise de prophètes à maîtres, de maîtres à élèves et ce pendant des millénaires, en ayant le souci permanent de la vérité et dans le ton de voix de la confidentialité et de l’humain.
Une lettre posée sur un parchemin ou un papier est sèche, impersonnelle. Un mot prononcé est humain, exclusif.
Cette manière de transmettre les enseignements est celle que la Torah a choisie, comme si l’on voulait nous indiquer que tout ceci a été inspiré par l’événement de Pourim : l’absence apparente de D.ieu. L’histoire se déroule comme si D.ieu n’existait pas et pourtant c’est Lui qui est omniprésent. C’est Lui qui reste dans l’incognito de cette confidence et qui va y rester jusqu’à la fin des temps. Alors sa présence sera éclatante et visible au moment du Mashiah’.
Jusque là, il faut que la foi remplace la connaissance, il faut croire plus que savoir.
Toute cette évolution a démarré à Pourim. C’est un événement qui est comparée dans la tradition orale (le Talmud, justement) au don de la Torah. Au Sinaï, nous avons reçu la Torah en ayant « la montagne sur la tête » dans une sorte de coercition. A pourim, on l’a acceptée dans la joie et on l’a conservée comme il est écrit : « kiyemou vékiblou hayéoudim », « les juifs ont appliqué ce qu’ils avaient reçu ». Ils ont accompli la Torah dans la joie parce qu’ils ont compris que c’était leur message à eux.
Je voudrais ici donner un dernier enseignement :
Si des parents veulent transmettre à leurs enfants des valeurs, c’est nécessairement sur le ton de la parole, de la confidentialité, de la proximité. Un maître n’est pas quelqu’un que l’on écoute simplement parce qu’on l’a entendu ou vu à la télévision mais quelqu’un que l’on peut approcher, voir, écouter dans le sens plein du terme.
C’est ainsi que se fait l’histoire, c’est ainsi que je voulais la rappeler.
Chabat chalom et Pourim sameah !