Cette semaine, nous ne pouvons passer sous silence le « matan Torah » (don de la Torah au mont Sinaï). Ce jour représente pour Israël le moment qui va fixer sa mission dans le monde, dans l’humanité et dans l’histoire mais qui va également ériger pour l’ensemble de l’humanité, ce que l’on appelle couramment « les 10 commandements » comme la charte de la morale universelle.
Nos sages ont insisté pour ne pas que l’on fasse des « 10 commandements » une sorte de hiérarchie, comme s’il s’agissait des mitsvoth les plus importantes. A titre d’exemple si dans certaines communautés on ne se lève pas pour la lecture de la Torah à la synagogue, on restera également assis pendant les « 10 commandements ». En d’autres termes, on ne fera aucune différence. (Si l’on est debout, on le restera bien sûr). Dans la même idée, les « 10 commandements » ne figurent pas dans la lecture quotidienne… Tout cela afin d’inculper au peuple juif que dans Torah il n’existe pas de hiérarchie.
A l’inverse, l’ensemble de l’humanité avait besoin d’une sorte de mémorandum, de résumé de l’essentiel et effectivement « les 10 commandements » contiennent la base de la vie morale, spirituelle et sociale. Les respecter c’est déjà avoir accepté l’idée d’un D.ieu unique, reconnaitre l’importance de l’homme et du respect que l’on lui doit : c’est pouvoir vivre en société.
Dans cette mouvance, le peuple d’Israël a toujours estimé qu’il n’a simplement fait que son devoir. Ce n’est donc pas, à nos yeux, ce qui nous rend plus ou moins importants. La vocation d’Israël, selon les termes de la Torah, est : « vous serez pour Moi, dit D.ieu, une nation de prêtes et un peuple saint » («kohanim vegoy kadosh »). Un « prêtre », selon la conception de la Torah, n’est pas seulement chargé du culte mais également chargé de l’enseignement. Ainsi, chaque juif est un enseignant par nature, par définition, par vocation. De même, Israel est « un peuple saint » : il n’y a pas une personne qui se voit affectée de devoirs supérieurs à son prochain. L’égalité du peuple juif est basée d’abord sur l’égalité de nos devoirs.
Ce cadre là est celui qui nous a servi pour maintenir dans notre peuple cette extraordinaire égalité. Nous voyons bien que chaque Juif la perçoit comme étant naturelle. Même Moshé Rabenou s’est entendu dire : « Pour qui te prends-tu ? Tu n’es pas supérieur à aucun d’entre nous » et ce malgré son niveau moral exceptionnel et son niveau intellectuel hors du commun. Moshé était certes le chef du peuple juif mais il était avant tout un Juif comme les autres. Aujourd’hui, n’essayez surtout pas, quelque soit le rôle que vous jouez, de vous dire que vous êtes plus grand que tel ou tel autre Juif.
Cette conception d’un peuple qui est égalitaire dans tous les domaines est peut être le bien le plus précieux d’une nation qui est appelée à jouer un rôle de « leadership » à travers le monde. La plupart du temps, dès que quelqu’un se voit confier un rôle, il s’estime au dessus de la mêlée. Quand on est Juif, on est un parmi les autres, quelque soit notre rôle.
Cette grande leçon, celle que je souhaitais rappeler, nous ramène à une humilité nécessaire quelque soit les devoirs et les responsabilités qui sont les nôtres. Réussir ce tour de force c’est tout simplement réussir à faire d’Israël un peuple de « présidents », qui sont tous présidents d’eux-mêmes. Notre pouvoir est celui que nous exerçons sur notre personne, sur notre corps. Arriver déjà à être son propre chef, c’est, comme le disent nos maitres : être capable de dominer ses passions, de choisir sa route. C’est là la plus noble de toutes les vocations.
A la fois unité et grandeur, voilà le paradoxe du Sinaï sur lequel je voulais attirer votre attention cette semaine.
Chabat Chalom.