La paracha de Balak va nous permettre de découvrir un étrange personnage, le prophète Bilaam, considéré comme le plus grand prophète des Nations en dehors d’Israël. Mais sur le fond, Bilaam est un personnage très ambigu. Son niveau de prophétie était très élevé au point que l’on venait le consulter de loin. C’est ce qu’a fait le roi de Moab Balak lorsqu’il a sollicité Bilaam afin qu’il maudisse le peuple d’Israël qui souhaitait traverser son territoire.
En se penchant de plus près sur la personnalité de Bilaam, on découvre qu’il n’a été finalement qu’un technicien de la prophétie. Un homme qui par de curieux procédés semblait capable de prévoir l’avenir.
Il s’avèrera, comme on pourra le voir dans la Paracha, qu’il était incapable de voir ce que son ânesse, elle, voyait (l’ange divin qui les empêchait de passer).
Pourtant, le moment venu, Bilaam bénira le peuple d’Israël et vantera ses mérites, en particulier à travers une phrase que nous connaissons tous et qui figure souvent à l’entrée de nos synagogues : « Qu’elles sont belles tes tentes Yaacov, tes demeures, Israël ».
Nos sages nous indiquent l’origine de cette louange émouvante de Bilaam. Celui-ci avait constaté que lors de la traversée du désert, les entrées des tentes des Enfants d’Israël avaient été conçues de telle sorte que jamais le résident d’une tente ne pouvait voir ce qui se passait à l’intérieur de la tente voisine. Bilaam, prophète de l’impureté et de l’immoralité avait donc ainsi voulu rendre hommage à la pudeur du peuple d’Israël, qualité hautement morale par excellence.
De ce paradoxe apparent, on peut tirer un enseignement particulièrement important.
Les prophètes qui ont accompagné le peuple d’Israël – ceux mentionnés dans la Bible, tel le célèbre Chmouel – ont toujours été des modèles de conduite. Ils ne se sont jamais contentés d’apporter la parole divine. Ils ont voulu éduquer le peuple et le guider. Ils ont donné l’exemple en appliquant leur prophétie dans ses plus petits détails, donnant à cette prophétie un cachet d’intégrité, de crédibilité et de proximité. Les prophètes d’Israël étaient des hommes désintéressés, des êtres de Bien, de bonté, qui servaient le D.ieu de la Vérité et étaient cohérents avec eux-mêmes. A contrario, Bilaam était un personnage intéressé et sans scrupules. Lui, le prophète sans Nation (Belo Am) n’a jamais eu besoin de donner l’exemple. Ce mercenaire de la prophétie était, au contraire, entièrement dirigé vers le Mal et nos sages nous expliquent qu’il avait pour habitude de capter les étincelles de Mal qui circulaient dans l’Univers. Voilà pourquoi la prophétie de Bilaam n’a rien apporté de positif au monde. Voilà pourquoi même le roi Balak ne parvint pas à obtenir de lui ce qu’il attendait et devra, au lieu de la malédiction annoncée, se contenter d’écouter la bénédiction que la bouche de Bilaam prononcera.
Finalement, peut-être que la Torah souhaitait à cette occasion rappeler le cadre dans lequel la prophétie s’exerce dans le peuple d’Israël. La prophétie n’est pas seulement un moyen de communiquer avec l’au-delà et d’être dépositaire du message divin mais de pouvoir l’énoncer dans toute la cohérence de l’existence. C’est ce qui fait la grandeur de notre peuple.
Chabat chalom !